La Cérémonie des adieux, Simone de Beauvoir
Dernier témoignage de la vie de Simone De Beauvoir, mais cette fois à travers son compagnon de réflexion, de travail, de voyage : Jean-Paul Sartre.
Longtemps, le public s'est
interrogé sur la véritable nature de leur relation. Longtemps, on a cru que
Beauvoir lui était soumise, à la fois au niveau du "couple" et de
l'intellect. Or, il n'en a justement pas été question.
La décision de ne pas appartenir
uniquement l'un à l'autre a été prise par Sartre sans doute, mais en vivant
pleinement leur propre liberté, ils se sont étrangement liés à vie.
C'est pourquoi ce dernier
témoignage est si important. On décelait déjà leur unité dans La force des
choses, lorsqu'on apprend que Beauvoir quitte Algren pour soutenir Sartre mais
ces quelques pages apportent beaucoup plus sur leurs rapports (et sur les
autres femmes qui ont compté pour Sartre d'ailleurs). C'est pourquoi elle dira
que ce livre lui est entièrement dédié. Il évoque les quelques années de doute
face à l'emprise de la maladie, face à la lente dégradation physique et morale,
décrivant ainsi les derniers engagements politiques de Sartre, ses derniers
projets littéraires. Lentement, elle évoque les pertes de mémoire, les
souffrances qu'il taisait. Lentement, il lui fait comprendre qu'il ne trouve
plus de combats passionnants à mener, que ses projets sont derrière lui.
Simone de Beauvoir parvient à
dresser assez objectivement ses dernières années, à la lueur de ses derniers
combats politiques et physiques. C'est un bel hommage entre deux compagnons de
vie, le seul digne de leur relation : un rapport objectif et sincère.
Mes citations :
"Voici le premier de mes livres - le seul sans doute - que vous n'aurez pas lu avant qu'il ne soit imprimé. Il vous est tout entier consacré et ne vous concerne pas. Quand nous étions jeunes et qu'au terme d'une discussion passionnée l'un de nous triomphait avec éclat, il disait à l'autre : " Vous êtes dans votre petite boîte !".
Vous êtes dans votre petite boîte ; vous n'en sortirez pas et je ne vous y rejoindrai pas : même si l'on m'enterre à côté de vous, de vos cendres à mes restes il n'y aura aucun passage. "
"En France disait Sartre, "il existe deux justices : l'une, bureaucratique, qui sert à arracher le prolétariat à sa condition, l'autre, sauvage, qui est le moment profond par lequel le prolétariat et la plèbe affirment leur liberté contre la prolétarisation... La source de toute justice est le peuple... J'ai choisi la justice populaire comme la plus profonde et la seule véritable". Il ajoutait : "Si un intellectuel choisit le peuple, il doit savoir que le temps des signatures de manifestes, des tranquilles meeting de protestation ou des articles publiés par des journaux réformistes est terminé. Il n'a pas tant à parler qu'à essayer, par les moyens qui sont à sa disposition, de donner la parole au peuple".